ÉCOLOGIE
HPCE2 2011
discours prospective énergie colloque IGNIS 23 nov 2012
TYPE :
conférence
ÉQUIPE :
Philippe Villien, Architecte - image Benjamin Ciardi Architecte ADE
PARTENAIRES :
IPRAUS - Ecole Ingénieurs Ville de Paris EIVP - APUR
INDEX PROJETS :
th703
SUJET :
DISCOURS « PARTIE PROSPECTIVE DE HPCE » pour le colloque 23 novembre 2012 - Titre : « éléments pour une prospective architecturale »
THÈME :
énergie
MOTS CLÉS :
énergie, prospective, histoire longue durée,écologique
DISCOURS « PARTIE PROSPECTIVE DE HPCE »
pour le colloque 23 novembre 2012
>>> Version def 23 novembre 2012
Titre : « éléments pour une prospective architecturale »
Auteurs :
Philippe Villien - architecte urbaniste – enseignant chercheur à l’Ipraus (équipe IGNIS – recherche HPCE)
Images : Benjamin Ciardi - architecte ADE – TH1 Villien
INTRODUCTION
La prospective énergétique architecturale ?
Elle est pour nous à placer dans une posture hybride : à la fois pragmatique et théorique.
Nous avons besoin de ressourcer la théorie du territoire, mais aussi celle de l’architecture, par de nouvelles visions engagées.
Et nous avons également besoin, de manière très pragmatique, d’initialiser de nouveaux outils de conception basés notamment sur la compréhension de l’énergie.
Pour dire cela je suivrai 5 énoncés rapides :
1/ Tout d’abord la place de la prospective dans ce travail de recherche à dominante historique.
2/ En deuxième point je soulignerai pourquoi il nous faut se placer entre innovation et transition, quand il s’agit de « concevoir des projections énergétiques à l’échelle des édifices ».
3/ En troisième point nous évoquerons comment « Des faits diffus et discrets » nous aide à extrapoler des tendances.
4/ Puis « L’inattendu, les perspectives négatives » seront évoqués
5/ Enfin nous soulignerons l’intérêt d’une prospective du patrimoine architectural
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1/ La place de la prospective dans ce travail de recherche à dominante historique.
Quelles sont les conditions initiales que nous nous imposons pour fabriquer une prospective énergétique et architecturale des édifices étudiés dans cette recherche ?
Nous partirons de questions énergétiques bien entendu mais en nous replaçant dans une sorte particulière de synthèse architecturale : l’énergie ici sera entendue comme « originelle », c’est à dire en tant « qu’élément ».
Le mot « élément » est ici à entendre dans la perspective de Gottfried Semper pour qui le foyer constitue l’un des quatre éléments fondamentaux de l’architecture de l’édifice.
>>> son principe fondateur c’est l’adossement des 3 éléments au premier qui le foyer: “C’est l’élément le plus ancien et le plus important – l’élément moral de l’architecture. Autour de lui gravitent trois autres qui sont pour ainsi dire les entités protectrices qui protègent la flamme du foyer contre les trois éléments naturels : le toit, la clôture et le terre-plein.)
Nous pensons que le « foyer » en 2050 pourrait encore être d’ordre élémentaire et s’avérer indispensable pour penser la cohérence concrète de l’édifice. L’image très évocatrice extraite du livre de Cecil Balmond « Element » actualise cette vision élémentaire de l’énergie.
La prospective dans notre équipe a un rôle stimulant : nous ne souhaitons pas placer la prospective comme une construction isolée de l’approche historique.
Elaborer des scénarios de futurs énergétiques est pour nous une démarche volontaire, capable d’explorer des périodes incertaines, celles de notre avenir de 2012 à 2050.
Je voudrais évoquer tout d’abord quelques obstacles méthodologiques et cerner les protocoles que nous allons utiliser pour cette partie prospective.
Notre corpus dessiné en coupe
Nous avons précisé que nous développons notre prospective architecturale et énergétique sur nos édifices emblématiques, et parisiens.
Il est important de rappeler, après les courts exposés qui précèdent, qu’ils incarnent chacun une évolution majeure en technique énergétique. Il faut dire également que ces édifices ont tous déjà connu une ou plusieurs transitions énergétiques.
Comment, à partir de la « reconstruction de l’histoire énergétique » de chacun de nos édifices, pouvons-nous concevoir l’avenir de celui-ci?
Tout d’abord la première étape nécessaire à ce travail de prospective sur nos édifices est de transposer, à partir des documents d’archives collectés par l’équipe l’ensemble des édifices sur un code graphique équivalent afin de pouvoir les comprendre finement et les comparer dans leurs trajectoires énergétiques multiples.
Depuis la première révolution industrielle / et jusqu’à aujourd’hui / l’impact du changement semblait essentiellement du à des changements de sources d’énergie. Dorénavant nous sommes confrontés à un nécessaire changement des comportements face à l’énergie : l’épuisement des ressources, l’énorme accroissement des besoins rendent inadaptés notre attitude énergétique de la fin du XXème siècle et, par là même, nos précédents dispositifs énergétiques à l’échelle de l’édifice.
Mais nous ne défendons pas une vision prospective basée sur une rupture technique. L’originalité de notre recherche consiste dans l’exploration de deux idées, qui circulent dans la longue durée :
- la première idée explore les conséquences sur une longue durée d’une pénurie de l’énergie,
- l’autre idée porte sur un principe d’économie partagée sous-jacent à tous les choix techniques et architecturaux efficients.
Ainsi nous visons à démontrer comment notre période actuelle replacer dans une longue durée ne révèle qu’un changement d’intensité : la pénurie énergétique s’est installée durablement depuis le XIXème siècle et elle va s’accentuer.
Ainsi, « Etre économe en énergie » n’est pas un objectif collectif récent, un impératif absolu apparu soudainement depuis les crises des années 70.
Notre recherche met en lumière précisément sur la longue durée des modes opératoires énergétiques collectifs qui ne se comprennent clairement que par un « principe d’économie partagée » (ainsi pour l’énergie anthropique, celle issue du recyclage des déchets, …).
Donc ce qui apparaît comme nouveau c’est l’intensité et l’urgence de cette question énergétique : dans la période 2010 / 2050 les évolutions liées à l’énergie vont impacter profondément l’édifice architectural.
Et donc également les édifices de notre corpus, historiques, majeurs, parisiens, emblématiques. On peut parier qu’ils vont être transformés par ces questions d’énergie beaucoup plus que par des « reprogrammations », que leur indétermination programmatique provient essentiellement de là …
Ainsi la gloire future de ces valeureux édifices pourrait bien être dans leur résistance … leur résilience dit-on.
Mais de quels chocs parlons-nous ?
Des impacts des mutations énergétiques à venir : les nouveaux modes de diffusion de la chaleur dans les étages et les pièces, de la gestion de l’étanchéité à l’air et de la perméabilité de l’enveloppe à la vapeur d’air, dans une nouvelle vision de la ventilation, de la maîtrise du confort d’été face à une élévation des températures pendant des épisodes climatiques extrêmes devenus beaucoup plus fréquents, d’une production d’énergie hyper locale pour une ville en pénurie aigue ...etc …
La vision d’un autre dessin des enveloppes architecturale fait son chemin et inspire les édifices en conception et en chantier actuellement dans le Grand Paris : le Tribunal de Grande Instance à Paris de Piano, la Fondation Louis-Vuitton à Boulogne de Ghery, la Philarmonie à Paris de Nouvel sont autant de grands édifices qui pourraient marquer l’imaginaire énergétique du Grand Paris.
Nous nous inspirerons de ces grandes réalisations en cours, sur lesquels la documentation énergétique objective est cependant très malaisée à établir. Des ouvrages très explicites tel que « Climate Design » retrace néanmoins avec méthode les protocoles qu’appliquent ces édifices du présent et du futur proche.
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2/ En deuxième point je soulignerai pourquoi il nous faut se placer entre innovation et transition, quand il s’agit de « concevoir des projections énergétiques à l’échelle des édifices ».
La prospective énergétique et architecturale au sens entendu ici se distingue d’une vision futuriste, d’un exercice de science fiction. On pourra le regretter ne serait-ce que par la perte de désir et de puissance évocatrice que cela suppose.
En prospective point d’archive, mais cependant des de faits réels, concrets et avérés, marquants et mis en perspective, reliés entre eux par des mouvements du réel : nous « sommes » certes dans une partie temporelle spécifique : 2012 à 2050 mais des faits existent.
Mais quelles techniques de prospective allons-nous convoquer ?
Le lien entre notre présent et les futurs possibles se qualifie de deux manières dans les techniques de prospective.
La première attitude consiste à se projeter dans le futur, dans une époque lointaine (par exemple 2050) sans justifier le lien avec notre présent de manière continue. Ce Ce sera, dés lors, l'innovation, souvent technique, qui sera l’élément déclencheur, l’alibi de ce saut qualitatif. Nous entendons privilégier une autre posture.
Il nous faut élaborer des transitions énergétiques diversifiées
Cette deuxième attitude consiste à penser la transition, étapes par étapes. C’est dans ces solutions de continuité que se pensent la prospective énergétique et architecturale.
Un effet didactique est ouvertement recherché.
Notre hypothèse de travail se base sur l’analyse historique de l’édifice dans une perspective « d’inégalité énergétique ». Nos cas étudiés dans la longue durée, nos désignent un « paysage de l’énergie » profondément inégalitaire. Des inégalités de rendement, de confort atteint, de dépenses, d’investissement, de représentations des forces en jeu. Il s’agirait donc dans notre prospective de convertir ces inégalités passées et actuelles en une diversité future, équilibrant les chances d’adaptation de chaque édifice aux impératifs environnementaux et écologiques à venir. Par analogie avec la démarche « Stiglitz » nous pourrions dire que l’inégalité énergétique a un coût exorbitant.
Dans cette approche transitionnelle nous intégrons l’apparition de nouvelles sources d’énergies et de nouvelles formes de distribution. Ces hypothèses ont une bibliographie restreinte mais d’une grande cohérence. Ainsi le remarquable ouvrage « Arium Weather + Architecture » nous désigne de multiples cibles pour élaborer des scénarios sur nos édifices emblématiques parisiens.
Quelques faits diffus et discrets : dés aujourd’hui des avancées techniques très significatives, sont réalisées dans les domaines des énergies renouvelables.
L'incinération actuelle des déchets constitue une énergie renouvelable mais cette énergie sera renouvelable tant que nous produirons des ordures : or les impératifs écologiques tendent à leur diminution massive.
Doit on tendre vers une politique architecturale du « cradle to cradle » ?
Quels sont les impacts prévisibles dans la gestion d’un édifice patrimonial de la logique « rien n'est déchet, tout est énergie » ?
Nous posons ainsi des singularités, au cas par cas, des trajectoires diversifiées basées sur les qualités intrinsèques des bâtiments eux-mêmes : celui-là est bien exposé : il maximalise ses apports solaires, tel autre dispose d’une très forte inertie thermique par son épaisseur : il se dote d’une « carapace réversible », …
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3/ En troisième point nous évoquerons comment « Des faits diffus et discrets » nous aide à extrapoler des tendances.
Nous isolerons deux familles d’hypothèses, qui correspondent à des visions du futur développables distinctement.
Les « faits porteurs d’avenir »
Dans les situations passés et présentes nous repérons les petites cohérences, discrètes mais réelles, qu’il est possible d’attester.
Il nous faut ensuite corréler ces faits diffus, mineurs, avec de grandes tendances idéologiques, avec de grands débats en cours. Il est dès lors loisible de pousser les logiques à leurs extrémités, filtrer ces causes par rapport à leurs conséquences extrapolées.
Autrement dit nous pouvons mettre en place une « prospective du présent » au sens défini par Edith Heurgon, et nous baser sur des variations attendues.
La somme que représente l’ouvrage de référence « Construction et énergie » introduite par Manfred Hegger et regroupant de nombreux contributeurs émérites est une excellente porte d’entrée vers ces variations attendues.
Nous pouvons en évoquer quelques unes.
- L’écologie est reine et a ré-enchantée le futur…
- Les matériaux et les techniques sont « performisés » et il est devenu aisé de vivre un édifice en « énergie positive »…
- Le climat dans ses variations se révèle notre allié pour réduire notre consommation énergétique et notre empreinte carbonée…
- De nouvelles ressources fossiles sont découvertes et exploitables sans dommage irréparable pour l’environnement …
A l’énoncé de ces propositions nous sentons bien qu’un autre type d’hypothèses est nécessaire. En effet la convention guette et il est nécessaire de produire de l’antidote à une pensée unique de l’énergie, fusse-t-elle du futur ...
Ainsi l’articulation du sommaire d’un ouvrage bien documenté et fort perspicace « Towards Zero energy architecture – new solar design » est édifiante : 1 : écologie, 2 : passivité énergétique, 3 : éthique énergétique, 4 : enveloppe sensible, 5 : esthétique écologique…
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4/ Quatrième point : « L’inattendu : des perspectives négatives » sont évoqués
Tentons un diagnostic fait au alentour de 2030 :
« L’architecture du patrimoine est devenue essentiellement une exposition d’objets célibataires, singuliers, disséminés dans la ville territoire, dans la métropole. Ces édifices sont livrés à eux-mêmes, absolument indépendants d’une logique conservatoire consensuelle. Ils vivent chacun leur « destin énergétique » combinant et optimisant des ressources énergétiques ultra locales et les qualités intrinsèques de leur conception originale … ». Ignis – cession 14…
Pourrions-nous écrire ce constat en 2030 ?…
Cédons un peu à une posture de Cassandre : Des émeutes urbaines puissantes, une augmentation extraordinaire de l’inégalité et une stagnation économique et technique longue n’est pas écartable comme futur proche…
De ceci nous déduisons une exigence méthodologique : nous devrons préciser une sorte de prospective des jeux d’acteurs du domaine de la mise en œuvre énergétique, car ce jeu pèse lourd dans l’éventail des possibles.
Il nous faudra esquisser les grandes lignes d’une prospective de ces jeux d’acteur qui s’assemblent pour gérer les multiples projets énergétiques à l’échelle de l’édifice.
Par exemple, d’un point de vue professionnel ce futur « sombre » peut conduire à une quasi disparition de la figure artisanale de l’architecte. Cela supposerait une rupture forte dans la pratique du métier d’architecte, consécutive à ces événements majeurs, accompagnant l’abandon des édifices majeurs à leur propre destinée énergétique, sans coordination par des politiques publiques.
Les questions de la restauration et restructuration des enveloppes des édifices publics, du renouvellement des équipements de chauffage et de confort d’été arrivant à l’obsolescence d’ici 2050 se poseraient de manières très différentes de celle d’aujourd’hui.
Ce futur très « sombre » permet-il de projeter des conditions intéressantes sur nos édifices ?
Lors du grand développement des utopies dans les années 1950 à 1970 les grands mouvements de pensées utopiques entremêlaient prospectives positives et projections négatives. Nous entendons opérer dans une hypothèse similaire : le futur de 2012 à 2050 assemblerait des séquences complexes, avec des visions énergétiques optimistes et d’une vitalité désespérée. La lucidité n’est pas ici la qualité la plus évidente pour développer un spectre large de futurs énergétiques possibles sur des édifices architecturaux parisiens et emblématiques. Il nous faut reconnaître que convoquer le futur énergétique de ces édifices emblématiques va nous conduire à investir un futur architectural engagé, revisitant les avant-gardes des sixties et seventies.
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5/ Enfin nous soulignerons l’intérêt d’une prospective du patrimoine architectural
ou « L’inventivité énergétique appliquée aux édifices du patrimoine d’ici à 2050 »
Quels sont les moteurs probables du renouvellement, de la transformation de la « technique énergétique » dans les cas architecturaux étudiés, tous patrimoniaux ?
Différents types de « moteurs d’invention » sont d’ores et déjà identifiés.
Nous pourrions « innover », en adhérant à un processus d’avant-garde par cette une volonté d’invention. Nous pourrions également « ressourcer », par l’obéissance à un « système de la mode antérieure », en se basant sur des cycles observables. Nous pourrions enfin vouloir « importer » : par une transposition de concepts issus d’autres domaines rationnels et scientifiques nous ferions muter les conceptions actuelles vers d’autres dispositifs.
Enfin la gestion de l’énergie dans un édifice patrimonial en 2050 pourrait être profondément différente de celle admise en 2012. En 2050 le rapport d’une société à son patrimoine bâti, aux édifices « déjà-là » faisant mémoire, aura changé : il y a besoin d’hypothèses prospectives là aussi. Nous pouvons imaginer différents modes d’intervention, de gestion, de maintenance, de gros renouvellement, de réhabilitation ou d’extension sur les édifices du patrimoine.
Dans la logique d’un « processus d’avant-garde » nous observerions des projets en ruptures, essayant de dépasser les contraintes techniques anciennes. L’innovation technique sur les sources d’énergie affecterait-elle les édifices eux-mêmes, au delà de la pièce de transformation, de production du chaud ou du froid ? Les « canopées » de nos édifices seraient-elles impactées par l’incorporation massives de capteurs énergétiques ?
Les caves se révèleront-elles les réserves spatiales nécessaires au développement des énergies renouvelables de décomposition des eaux usées, de l’énergie produite à partir des déchets de l’édifice, du contexte proche ?
Les effets de masques pourront-ils être évalués finement et contrebalancés par des dispositifs innovants ?
Les techniques de modélisations énergétiques à l’échelle de l’édifice en cours d’élaboration dans de nombreux laboratoires procurent de nombreuses pistes de travail.
FIN DU DISCOURS
ISA7
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