ÉCOLOGIE

PV159 2011
Jardin des délices, jardin des délires - festival 2012 - 41
laboratoire architectural : concours d'idées sur les jardins - Chaumont-sur-Loire
ÉQUIPE :
Nawal BEAUGUITTE et Lorane BOISSONNET Architecte master
MOTS CLÉS :
écologique
Jardin... Délices... Délires.... Elles sont là pour nous glisser le thème à l'oreille ; ces petites créatures volantes toutes parées de noir et d'or, qui virevoltent de monts en merveilles, qui se posent et s'envolent pour mieux se reposer... On les redoute mais on les admire, on les contemple pour leur gargantuesque travail, on les réclame : les abeilles, sans qui le délice suprême de la nature n'existerait pas. Ca y est, il suffit de les nommer pour que ce plaisir exquis résonne dans nos esprits et que son goût en- -vahisse, l'instant d'un rêve, nos douces papilles : ce sera un jardin de miel. Honeymoon... Partir en ”Lune de miel", vivre une véritable "Lune de miel", ces expressions font encore rêver. La lune de miel au sens historique dure les quatre semaines suivant les noces. Les mariés boivent en abondance un breuvage à base de miel pour obtenir joie et bonheur… Ici, point de nostalgie, mais la mise en scène de cet excès et une métaphore puissante. . Le jardin ci-proposé est une véritable incursion dans l'univers mellifère, une plongée au coeur de la ruche, un voyage visuel unique. L'abstraction du jardin est obtenue par un tissu continu à trame hexagonale. Le lien avec le thème de la ruche est direct mais le grossissement de facteur 100 nous force à adopter un autre regard. Tout devient énorme et lisible à la fois. Le choix des fleurs, le traitement des sculptures et la taille des alvéoles contribuent à l’effet de loupe "délirant". Ici, le miel est partout, il coule d’une fontaine centrale (de l’eau couleur miel du moins, pour ne pas attirer nos petites amies), posée tel un gigantesque essaim sur son miroir de miel. La dé- -coupe du bassin est inhabituelle, elle est elle aussi tramée par des hexagones. Car ceux-ci sont continus : une seule nappe constitue le jardin. Cette nappe ondule pour acceuillir ses plantes, s’aplanit pour le bien-être du visiteur, plonge pour créer le bassin; toujours est-il qu’elle est tou- -jours là, présente. Un gâteau de cire géant, constituée d’alvéoles immenses, c’est la structure de la ruche elle-même. L’on comprend que ce jardin est une "carte", un mode d'emploi du territoire de l'abeille. Et que nous sommes, comme Alice, plongés dans un hors d'échelle magique. L’espace nous attire, nous emprisonne, nous ennivre et cela dès l’entrée... Cette entrée, constituée d’anciennes ruches, sur lesquelles la nature a reprise le dessus, nous bloque le regard. Ce mur de bois craquelé, repeint, fendu par l'action des intempéries, est organisé en chicane; il bloque toute perspective du jardin depuis l’extérieur mais invite clairement à la découverte. Il suffit d’entrer, et le regard est irrémédiablement capté par cette trame alvéolaire hors du commun et la luxuriance des fleurs qui en émergent. La lumière générale de ces ensembles floraux, sorte de halo jaune d'or, mêlée de taches blanches et ocres, m'évoque sans détours la tonalité du miel. Il ne nous reste plus qu’à nous y aventurer et à suivre la trame du sol, pour plonger au coeur du “gâteau de cire” La fontaine avec son bruit dual m'attire vite et je suis dans l'idée de la contourner lentement, tant sa forme sphérique m'obsède déjà. La matière générale de cet objet qui me surplombe est tra- -mée par les hexagones caractéristiques. Mais leur taille ici évoque plutôt un facteur 10. Les alvéoles font environ un doigt, 3 à 4 centimètres de diamètre. Fabriquée avec des cercles d’acier et du grillage en “cage de poule”, la sculpture est végétalisée. Certaines alvéoles sont fermées : elles ont leurs opercules blanchâtre et d’autres font surgir différentes matières, végétales, mous- -ses, lichens, évoquant la vie, qui grouille” de la ruche. L'eau ruisselle et tombe en plusieurs endroits dans la grande flaque jaune, couleur miel. Les plantes du grand miroir d'eau flottent mollement à la surface renforçant une impression liquoreuse, visqueuse comme le miel.. En contournant le bassin, notre regard se pose sur ces abeilles géantes, elles-aussi en grillage récupéré (donc en trame hexagonale). Elles sont là également, à travailler à l'ouvrage; l'on se pose pour les contempler, sur les assises prévues à cet effet. Il s'agit d'alvéoles "extrudées" des nappes périphériques; par contre, celles-ci sont pleines. L'on asseoit à la manière d'une abeille qui butine. Le temps d'une pensée et l'on se relève déjà pour finir le tour de la ruche. Avant de sortir, l'on aperçoit le jardin vertical accollé au dos du rucher de l'entrée. Sur ces rayonnages légèrement en gradins, l'on distingue de nombreux pots. L'on reconnaît des pots de miel de toutes sortes, des cylindres de verres, dans ces boîtes blanches cirées, dans ces hexagones extrudés. Ces pots sont récupérés, détournés et servent comme réceptacles pour de multiples plantes. Ainsi, la paroi est luxuriante. Plantes et miel se partagent les pots, en toute harmonie. L'on contourne alors le rucher, et nous sommes déjà "dehors", de retour à la réalité. Mais il faut prendre garde, car cela ne durera pas longtemps, juste le temps de quelques pas et avant d'ar- -river dans un autre jardin délirant.... Que ce soit dans les alvéoles, les sculptures, le jardin vertical etc, ce sont les plantes qui jaillissent. La nature émerge de la ruche, elle en découle, car il ne faut pas oublier que les abeilles lui sont indispensables. Ainsi, aborder le thème du miel, même dans un contexte délirant et déli- -cieux, ne doit pas faire oublier que la situation des abeilles et de leur production ocrée est au- -jourd'hui plus que préoccupante. L'Homme doit se rendre compte que le miel est l'un des nom- -breux plaisirs que la Nature lui a offerte, et cela grâce à ces petites ouvrières de grand talent. Il l'a depuis toujours consommé, que ce soit en vertu de ses qualités gustatives ou thérapeutiques, aujourd'hui reconnues par la médecine -excellent cicatrisant, antiseptique puissant etc. Mais dans ce concert de louanges et ce bouquet de qualités ancestrales se soulèvent de plus en plus de questions et certaines sonnent comme des signaux d'alertes importants et urgents. D'une part, la disparition pure et simple des abeilles; elles meurent en masse et il est nécessaire d'agir. D'autre part, la qualité du miel lui-même est vivement contestée : trop d'antibiotiques issus du traitement des ruches, trop de pesticides issus des champs butinés… L'excellente réputation du miel s'écorne de jour en jour. Il est urgent qu'un jardin mette ce délice ancestral en question. Ainsi, le jardin se veut sensibilisateur. Dès l'entrée, les ruches sont silencieuses et aucun va-etvient ne brouille cette façade. Comme un avertissement : et si le monde ne vibrait plus du bourdonnement des abeilles ? Nous pensons là au désastre écologique qui touche les abeilles de- -puis quelques décennies déjà. Il a commencé : seulement 2/3 de nos alvéoles sont plantées. Le 1/3 restant est comme inutilisé -ou inutilisable. Il est rempli de gravier, de sablon, de terre; ce sont comme des restes d'une grande activité passée mais aucun végétal n'en émerge désormais. L'avertissement retentit alors une seconde fois. Enfin, dans le rucher, des tiroirs végétalisés se mélangeraient avec des tiroirs pédagogiques où apparaîtraient les "tueurs d'abeilles", vieilles bouteilles de pesticides etc. De plus, dans cette optique "écologique", le jardin se compose de nombreux matériaux récupérés : des palettes/caissons pour former le talus (afin de minimiser l'apport de terre végétale, grilla- -ge et tiges métalliques, le bois pour les alvéoles, le rucher





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